Retrouvez ici quelques extraits de mes ouvrages :
J'ai pris plaisir à écrire une partie de l'enfance de mon père et je vous en livre ici un extrait :
"Je suis né au moment de la deuxième guerre mondiale et pourtant, mes souvenirs d’enfance sont des moments heureux. Suite au divorce de mes parents, j’ai été élevé par mes grands-parents, quatre personnes près desquelles j’ai passé les premières années de ma vie, avec ma sœur. Nous habitions alors dans un tout petit hameau de cinq maisons dans la Nièvre. Ces maisons étaient en fait des fermettes et les familles y vivaient principalement du travail de la terre.
Dans cette campagne vallonnée, où j’apercevais au loin, par temps clair, la ligne bleue des Monts du Morvan, la vie n’était pas toujours facile. Elle suivait le rythme des saisons. Les hivers m’ont particulièrement marqué car ils étaient rudes et la neige était là chaque année. Pourtant, malgré le froid glaçant, il fallait nourrir la maisonnée et les travaux à l’extérieur ne s’arrêtaient pas pour autant. Dès le lever du jour, nous sortions donner du grain aux poules et nous allions au puits chercher de l’eau. Nous rentrions aussi du bois pour chauffer la maison et faire cuire le déjeuner. L’automne était la saison de récolte des pommes de terre et des topinambours qui nourrissaient la famille pendant les longs mois où la campagne se mettaient au repos. Nous rentrions bien souvent les mains bleuies par le froid de ces travaux à l’extérieur, mais heureux de participer, déjà tous petits, à la vie de la famille.
Durant les étés, c’est la chaleur qui était bien souvent accablante mais qui n’incommodait pas les petits paysans que nous étions. En juin, nous retournions le foin fauché par le grand-père pour le faire sécher. Une fois sec, il fallait se dépêcher de le rentrer car les orages étaient fréquents à cette saison. Un peu plus tard, c’était au tour des gerbes de blé qu’il fallait façonner avec les épis fraichement coupés… Le soir, nous n’étions pas tard au lit, fourbus d’avoir tant travaillé, nos mains bien souvent coupées par tous ces travaux, mais fiers d’avoir pu aider les adultes.
De cette période, bien que je fusse très petit à l’époque, il me reste des images très précises qui ont à jamais marqué ma mémoire et dont je me rappelle encore parfaitement aujourd’hui au point de pouvoir vous les raconter…"
Claude et Jean, Toute une vie entière (extrait) :
"Pour cette première séance de partage, Claude m’a invitée à entrer. Elle habite un petit village de la campagne bretonne, à quelques encablures d’un bourg de bonne taille. Nous avons échangé un peu au téléphone avant ma venue. Elle m’a contacté parce qu’elle voulait me parler de son mari. Elle sait que mon métier consiste à écrire des morceaux de vie. Elle souhaite laisser une trace de celle qu’elle a vécu avec Jean, son amour de toujours.
Elle me fait m’asseoir dans un vieux fauteuil en cuir, face à la baie vitrée qui donne sur le jardin et plus loin, sur la campagne environnante. C’est un matin de janvier, le ciel est gris et bas, les températures sont négatives. Les champs sont recouverts de givre. Claude prend place à ma droite, dans un autre fauteuil, près d’une petite table basse. Je remarque qu’elle a posé dessus une théière fumante, deux tasses et quelques petits biscuits dans une assiette. Je ne m’attendais pas à être ainsi reçue.
Je laisse le silence s’installer. Je ne veux pas lui poser de question. Il faut que ce soit elle qui prenne la parole la première. Les minutes s’égrainent mais aucun son ne sort de sa bouche. Elle a croisé les mains sur ses genoux, la tête légèrement penchée vers le sol. Claude est belle pour une femme de cet âge. Grande et mince, le visage anguleux, les cheveux cours et drus, tintés de gris. Sans artifice, elle porte un jean et un pull à col roulé. Pas de maquillage. Elle a le tient pâle et les yeux cernés. Ces yeux-là, je les connais, je les ai déjà rencontrés plusieurs fois. Ce sont ceux qui ont perdu leur couleur, délavés à force d’avoir pleuré. Ceux de Claude sont bleus très clairs. Elle me regarde un instant puis baisse la tête de nouveau. Et puis d’un coup, les larmes se mettent à couler. Ce moment est suspendu et semble durer une éternité et puis, après s’être mouchée, Claude commence à parler…enfin. Claude me raconte l’indicible, la perte de son mari, son Jean, quelques mois auparavant. La date, elle est gravée à jamais dans sa mémoire : c’était le 12 octobre. Sa mort après plus de cinq années de souffrance à ses côtés, nuits et jours. Jean est mort du cancer mais s’est battu jusqu’au bout contre la maladie. Claude a toujours été là pour le soutenir et mener la bataille à ses côtés.
Claude souhaite me parler aussi et avant tout de sa vie avec son homme. Ils se sont connus à l’adolescence. Un amour de jeunesse, comme une évidence, indéfectible malgré le temps qui passe. Ils n’ont pas eu d’enfants. Ils auraient aimé en avoir mais la nature en a décidé autrement. Alors, c’est leur relation qui a donné au fil du temps toute sa force pour les faire avancer toujours dans la même direction.
Claude sait qu’elle ne pourra léguer ce texte à personne après sa propre disparition. Pourtant, elle veut que j’écrive cette vie si remplie avec lui. Elle souhaite laisser un témoignage de leur amour.
Je lui ai promis qu’à son propre décès, je ferai tout pour le publier, comme elle le souhaite. Ce sera le plus cadeau que je puisse faire à cette femme qui m’a fait l’honneur de sa confiance pour me dicter sa vie."
J'ai rencontré Jeanne, jeune femme devenue guide de haute montagne. Elle m'a raconté comment elle est arrivé à ce métier plutôt réservé aux hommes. Voici un court extrait de son récit :
"Je me suis réveillée vers trois heures en sursaut. Le départ était prévu à cinq. Je crois que c’est le ronflement d’un de mes camarades qui m’a réveillée. Quelques minutes pour comprendre ce que je faisais là et impossible déjà de se rendormir. Je repensais de nouveau à la journée de la veille : l’ascension, le petit moment que j’avais passé avec notre guide, juste derrière le refuge dans l’après-midi et maintenant, comment allait se passer la journée.
Comme prévu, nous avons quitté le refuge vers cinq heures après avoir allumé nos frontales. Pour monter à l’Aiguille du Tour, depuis le refuge Albert Ier, il faut descendre par une petite sente qui prend le long du tuyau d’eau, derrière le refuge. Rien que cette descente, à la lueur de nos lampes, nous a donné un avant-gout de ce qui nous attendait pour cette matinée. Nous avions l’impression d’avancer à tâtons dans l’obscurité. Notre seul repère était les pas de la personne qui nous précédait. Nous sommes pourtant assez rapidement arrivés sur le glacier. Là ce fut encore une autre affaire. Il a fallu chausser les crampons car sans eux, impossible d’avancer sur la glace. Notre guide nous a rapidement montré comment les fixer autour de nos chaussures de montagne. Affublés de ces broches aux pieds, il fallait continuer à avancer. Les premiers mètres m’ont paru bien compliqués car le poids du métal s’ajoutait à celui des chaussures. Pourtant, après quelques centaines de mètres, la marche m’a semblé plus facile. Il a fallu également nous encorder. Nous avons gardé le même ordre que depuis le départ : j’étais donc la deuxième de cordée. Avec les reflets de la lune sur la glace, nous y voyions presque comme en plein jour. J’étais attentive à placer mes pas dans ceux de mon guide, juste devant."
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